Petite histoire à propos d’un très grand artiste…

Michel Petrucciani – Caravan

L’anecdote du jour
C’était au beau milieu des années 90, alors que je chantais chaque soir au restaurant ” Cação ” à Marseille chansons françaises et bossas-novas.
De là où j’étais assis, ma guitare à la main, je scrutais les allées et venue des clients mais aussi les entrées et les sorties.
Un soir, vers les 22 heures, j’aperçus au loin un couple de quadragénaires et une femme portant un homme dans ses bras.
Je reconnus immédiatement Michel Petrucciani.
Le chef-cuisinier, en revanche, ne connaissant pas l’artiste et l’apercevant au loin dit au responsable de l’établissement :
-Propose lui un menu-enfant.
Deux heures plus tard, alors que je venais de terminer mon tour de chant, il ne me vint pas à l’idée d’aller emmerder le génie du piano jazz avec les sempiternelles questions affligeantes du style :
-Vous avez aimé mes chansons ?
-Vous avez bien mangé ?
J’ai préféré le laisser tranquille pour deux raisons :
1) Un artiste qui est en permanence en représentation et sollicité par des milliers de gens aspire à ce qu’on lui foute la paix et n’a surtout pas envie de parler ” musique “.
2) Je connaissais son fichu caractère l’ayant croisé dans un studio d’enregistrement envoyant paître les techniciens et parlant crûment à sa compagne comme jamais je n’aurais osé le faire, même à la pire des garces.
Je m’amusais toutefois du ” J’y vas t’y j’y vas t’y pas ” d’un type donnant la main à sa compagne, qui faisait les cent pas devant la porte d’entrée du restaurant.
N’y tenant plus, il se dirigea vers le pianiste et lui dit avec un grand sourire :
-Je vous ai entendu hier soir à Salon de Provence, c’était merveilleux, c’était phénoménal, c’était … je n’ai plus de mot.
Permettez-moi de vous serrer la main. Il la lui tendit.
Michel Petrucciani, ses couverts à la main, qui avait déjà du mal à se tenir assis sur sa chaise, le fusilla des yeux et répondit :
-Je mange.

Jean Marc Desméropian

Cet article a été publié le mardi 27 janvier 2015 à 14:20 et est classé dans Je vis à Bandol. Vous pouvez suivre toutes les réactions par le flux RSS 2.0.